Et la fin de l'histoire ?

Publié le par Gabonia Maria Madeus

Et la fin de l'histoire ?

J’ai parfois ce désir de « fin ». Une envie furieuse que tout soit fini, que tout s’arrête un peu. J’ai une envie écrasante d’épilogue. Qu’il soit heureux ou pas, ce qui compte c’est d’avoir enfin la fin.

Je veux savoir ce qui lui arrive à cette fille. Est-ce qu’elle tombe amoureuse ? Est-ce qu’elle réussit à publier des livres, des trucs qu’elle a créé de A à Z ? Est-ce qu’elle devient artiste ? Est-ce qu’elle se sent vraiment trop bien, à un moment ? Je veux savoir ce qu’il y a à la fin. Bien sûr, factuellement, elle meurt, c'est sûr, mais dans quelles conditions, dans quel état, avec qui, comment ? Je veux savoir quelle est la fin. Je voudrais savoir pour quoi je me bats. Pour qui je me bats. Est-ce que c’est tordu, de dire ça ? Aujourd’hui, et depuis quelques temps, en fait, je peine un peu à avancer dans ma vie. Là, ça va mieux, je fais en sorte de progresser, et je vois que mes efforts ont porté leur fruit sur certains points. Mais le fond du fond du problème, il est toujours là, je le sais. Je crois même le connaître, et si ce n’est entièrement, j’en saisis au moins le contour, la forme, la couleur. Et il faut que je me batte contre moi-même la plupart du temps pour surpasser mes peurs, mes complexes, mes angoisses, mes compulsions, et ça marche presque jamais. Alors, je trouve ça normal de vouloir savoir ce qu’il arrive à la fille à la fin.

Dans l’idée, je serais plutôt du genre à penser que ce qui compte c’est pas le bonheur, c’est le chemin parcouru. Et je veux bien suivre le chemin, en tracer un nouveau, je veux bien évoluer, parcourir ce que je dois parcourir pour devenir moi… Mais je suis sensée me battre, lutter, avancer en souhaitant parfois ne jamais avoir existée, sans savoir pourquoi ?

Quand j’étais gamine, quand je lisais beaucoup, j’avais cette manie de toujours lire la dernière page du bouquin, soit avant de commencer le premier chapitre, soit après. Quand j’étais gamine, aussi, la course à pieds, ça m’agaçait beaucoup. Je ne supportais pas l’idée de courir vers nulle part, pour rien, dans le vide. Trop d’efforts pour rien (même si je conçois l’idée de se défouler, de courir pour soi, pour « l’esprit sain dans un corps sain » et tout ça, mais moi c’était juste pas mon truc, et ça l’est toujours pas). Quand j’étais gamine, je supportais très mal « l’échec ». Ce n’était des échecs, c’étaient des déceptions, des « moins bien que d’habitude », mais je détestais ça. Je détestais ne pas pouvoir faire les choses directement, les faire bien. Quand j’étais gamine, et encore aujourd’hui, j’avais horreur de ranger ma chambre ou faire mon lit. J’en voyais pas l’utilité, sachant que deux heures ou deux jours plus tard, ça allait être de nouveau dérangé, défait (autant laisser le truc dans l’état). Certains pourront dire que je suis le genre de fille à procrastiner, ou le genre de fille flemmarde, qui aime juste rester sur sa chaise pour ne rien faire, tout en étant impatiente et voulant tout, tout de suite… Et il y a là sans doute une part de vrai, je ne pourrais pas dire le contraire, j’adore remettre au lendemain tout ce que je peux faire le jour-même, et si je peux acquérir une compétence de manière instantanée, c’est comme une cerise sur un gâteau. Mais derrière, il y a autre chose. Pourquoi lire un livre si la fin est nulle et qu’en plus il est dur à lire, et qu’on ne comprend pas ce qu’il s’y passe ? Pourquoi courir s’il n’y a rien au bout ? Pourquoi ranger, si demain il faut recommencer ? Pourquoi s’entraîner si le résultat n’est pas celui escompté ?

Alors, voilà. Je voudrais l’épilogue de ma vie. Un petit indice de ce que je vais devenir. Je veux voir pour quoi je lutte, pour qui je lutte. Comme dans un bouquin que je commence à peine. Qui sera-t-elle, cette fille, à la fin ? Est-ce qu’elle vaut la peine de souffrir un peu (beaucoup) en chemin ? Est-ce que sa vie est assez satisfaisante pour que j’ai envie de pleurer de temps en temps parce que tout est trop dur à supporter ? Je voudrais trouver une petite fenêtre vers celle que je serai, pour savoir si j’ai envie d’avancer. Je veux savoir où je vais, où tout ça va me mener, parce que pour l’instant, c’est assez insensé.

J’ai parfois ce désir de « fin », comme une faim lancinante qui ne se rassasie pas. Cette curiosité malsaine, cette envie bizarre de sauter tout ce bazar et arriver pile au bout du chemin. Que tout s’arrête un peu, que ça soit finit, et ne plus se poser de questions, ne plus avoir peur de ce qui arrivera demain. Je veux l’épilogue de ma vie, qu’il soit heureux ou bien malheureux, peu m’importe, si ça m’aide à supporter l’orage et la pluie.

 

 

 

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Publié dans Vie, Divers

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